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Danser/résister

Que peut un corps micropolitique ?

Chapitre de livre
Danser/résister, Nadia Vadori-Gauthier dir., éditions textuel, ISBN 978-2-84597-645-0, p. 114-119.
Année de publication : 2018

Sur l’engagement de Nadia Vadori-Gauthier dans Une Minute de danse par jour.

Une minute de danse par jour est un projet quotidien de performance, un acte de résistance poétique, commencé depuis les attentats de 2015. Nadia Vadori-Gauthier aime à dire qu’elle « danse comme on manifeste », « comme une petite manif’ quotidienne pour oeuvrer à une poésie vivante et pour agir par le sensible contre la violence de certains aspects du monde ». A sa mesure, dans une action réelle, par la répétition, elle cherche à « déplacer les lignes, faire basculer le plan, osciller la norme ». Ses danses sont « sans armes ni boucliers » qui viennent attendrir le durcissement du monde. La danse n’est pas ici mise au service d’une politique, mais elle s’empare du politique au sens large, le politique étant entendu comme ce qui anime le social ou le réel des relations entre humains, dans un espace commun. Mais à vrai dire, Nadia Vadori-Gauthier n’utilise pas le terme de politique. Elle évoque davantage l’esthétique, la poétique, l’éthique, la radicalité et la micropolitique, cette dernière étant inspirée plus particulièrement des philosophies de Gilles Deleuze et Félix Guattari. Nous nous concentrerons ici sur l’élucidation de ce que nous appellerons le corps micropolitique de Nadia Vadori-Gauthier. Que peut ce corps ?

Schizoanalysis and Ecosophy : reading Deleuze and Guattari

For an Ecosophical Theatre

Chapitre de livre
Schizoanalysis and Ecosophy : reading Deleuze and Guattari. Edited by Constantin V. Boundas. Bloomsbury Publishing. ISBN 9781350052185. P. 181-197.
Année de publication : 2018

Rather than making a lot of assertions about the political conception and the positions of a theater with ecological preoccupations, my essay will rather offer a few hypotheses. If the engaged theater has for a long time echoed the politics of the far left, what would a political theater in line with today’s anti-globalist, eco-socialist and ecological preoccupations  be like? Similarly, how would a theater no longer disconnected  from a nature that it tried to throw off stage would accept a ‘green turning point,’ as it begins to experiment on stage with the becoming of human organisms interacting among themselves and with everything non-human surrounding them? Moreover, what would an ecosophical theater be if, along with Arne Naess and Félix Guattari, were to propose a non-scientific approach, more intuitive and sensitive,  of an experience of the world where man is conscious of his “alliance” (Searles) with a milieu that is for the most part non-human and with which man feels connected? (trad. C. Boundas)

Le Dramaturge sur un plateau

Falk Richter, à la fois auteur et personnage. Une ekphrasis auctoriale fondatrice d’une écriture de plateau

Chapitre de livre
Le Dramaturge sur un plateau. Le personnage de l’auteur dramatique au théâtre (XVIe -XXIe siècles), dir. Clotilde Thouret, Paris, Classsiques Garnier, coll. « Rencontres »
Année de publication : 2018

La présence de l’auteur sur scène ne relève pas d’un méta-théâtre traditionnel. L’auteur n’est pas l’embrayeur d’une mise en abyme. Richter ne fait pas en sorte de soigner l’illusion par un second degré d’illusion. Lui, veut situer son théâtre dans le réel en dénonçant la vie qui n’est faite que de représentations produites par la société du spectacle. « Le théâtre doit révéler les stratégies de mise en scène qui existent hors du théâtre, dans ce qu’on appelle le monde réel » écrit Richter. Sur ce point, son théâtre politique est proche des idées situationnistes de Guy Debord : le spectacle y est vu comme ce qui coupe l’individu du monde sensible, se substituant au monde pour faire croire qu’il est le monde. Pour contrer et transformer la passivité du spectateur, Debord élabore une pratique de « construction de situations », permettant de transformer son rapport à soi, à autrui et au monde. (…)

La présence du dramaturge-sur-un-plateau implique une éthique relationnelle singulière, qui modifie tout à la fois la perception que le spectateur a du spectacle (il ne s’identifie plus, mais se sent responsable, concerné par ce qui est dit sur scène) et la perception que l’auteur a de son public : les propos directs qu’il tient devant ce public visent à rassembler les consciences autour d’une problématique et par là, à réinventer une communauté qui se constitue, face à la souffrance et face aux absurdités du monde. La relation de l’auteur à son public, sous le signe de l’éthique, implique un éveil des consciences et la création d’une communauté théâtrale. Tous ces dispositifs, tous ces procédés montrent de quelle manière le théâtre de Falk Richter pose les bases d’une réflexion sur le dramaturge-sur-un-plateau au sein de notre ultra-contemporanéité.

Deleuze et les acteurs

Deleuze et les acteurs

Chapitre de livre
L’expérience de l’acteur en philosophie. Florence Pignarre, Natalie Depraz dir., PURH (Publication des Universités de Rouen et du Havre), Cahiers de l'Eriac, coll. « Rencontres philosophiques ».
Année de publication : 2018

Cette enquête sur la pensée deleuzienne de l’acteur et du jeu de l’acteur (perspective qui n’a jamais encore occupé la critique deleuzienne) propose de mettre en relief trois points de contact entre Deleuze et l’acteur. Un premier point de contact biographique, un deuxième philosophique et un troisième que j’appellerai scénique. Après cette enquête en trois temps, nous formulerons quelques hypothèses pouvant expliquer le fait incontestable que la philosophie de Deleuze est aujourd’hui une des philosophies françaises de la deuxième partie du xxe siècle les plus lues par les acteurs de théâtre.

Un coco à Hollywood

Un coco à Hollywood

Article de presse
Télérama Sortir, « Le choix du cinéphile », 30/11.
Année de publication : 2017

Le plan hollywoodien de Fritz Lang pour que Bertolt Brecht échappe aux nazis. Sur la réédition des Bourreaux meurent aussi de Fritz Lang, scénario de Bertolt Brecht.

Dès juin 1942, Lang engage Brecht pour travailler sur le synopsis des Bourreaux meurent aussi (Hangmen Also Die !). Le point de départ est l’assassinat perpétré quelques semaines avant de Reinhard Heydrich, vice-gouverneur du Reich par la résistance tchécoslovaque. Des divergences de vue entre Lang et Brecht apparaissent, même si cela n’entache pas leur amitié et le profond respect qu’ils se vouent. Lang veut faire un film grand public d’une heure et demie pour mobiliser l’opinion américaine, construit selon les principes du genre dramatique aristotélicien, prisé à Hollywood : l’histoire d’amour d’une jeune fille et son fiancé dans une Tchécoslovaquie occupée. Brecht, lui, ne l’entend pas de cette oreille et écrit un film politique de plus de trois heures, selon les principes de son théâtre épique : on passe d’une histoire à une autre (la destinée de l’assassin, des otages, de la fille de l’otage, du traître), les nombreuses scènes du peuple sont des appels à la résistance. Fritz Lang n’engagera pas moins de deux autres scénaristes pour travailler avec Brecht, afin de remettre le scénario dans le droit chemin d’Hollywood !

L'Abécédaire de Gilles Deleuze

L'Abécédaire de Gilles Deleuze.

Article de revue
Revue Ligeia, dossiers sur l'art. Art&alphabet, abécédaire au fil des arts, n° 153-156, janvier-Juin 2017, p. 212-219.
Année de publication : 2017

Pourquoi choisir l’abécédaire ? Cette forme permet au lecteur d’opérer une promenade aléatoire au sein d’une pensée. Le fait qu’il n’y ait pas une continuité logique, mais des sauts, des hiatus, des reprises entre les lettres de l’alphabet, donne l’impression d’assister à un travail de la pensée qui se produit devant soi : une pensée qui bute, rebrousse chemin, ajoute par touches, avance par bonds. Deleuze a toujours admiré les ateliers d’artistes et il nous y laisse pénétrer ici. Chaque lettre est une pièce d’un puzzle, mais chaque lettre ne s’emboîte pas forcément aux autres : Deleuze assume une pensée constructiviste non systématique.

La Bête et l’adversité

Pour un théâtre écosophique

Chapitre de livre
La Bête et l’adversité. Anna Barseghian, Stefan Kristensen dir., Genève, Métis Presses. P. 172-185.
Année de publication : 2016

De quelle manière le théâtre s’arrête-t-il d’être disjoint d’une nature qu’il s’est évertué à rejeter hors de la scène, et comment vit-il un « tournant vert » lorsqu’il se met à expérimenter sur scène le devenir d’organismes humains en interaction les uns avec les autres et avec tout le non-humain qui les entoure ? Que pourrait-être un théâtre écosophique qui, dans la lignée d’Arne Ness et Félix Guattari, proposerait une approche non scientifique, mais davantage intuitive et sensible, d’une expérience du monde où l’homme a conscience de son « apparentement » (Searles) avec un milieu majoritairement non-humain, avec lequel l’homme se sent lié ?

Les Scènes philosophiques de la marionnette

Les Scènes philosophiques de la marionnette

Livre
Éditions L’Entretemps, coll. Institut International de la Marionnette (IIM). Ouvrage co-édité avec Hélène Beauchamp, Elise Van Haesebroeck, Joëlle Noguès.
Année de publication : 2016

L’articulation entre la philosophie et la marionnette peut se faire de deux manières : il est possible d’abord d’envisager une « philosophie de la marionnette », qui consiste à mobiliser des références empruntées à l’histoire de la philosophie pour interpréter les scènes du théâtre de marionnettes. La philosophie, pour reprendre les termes de Gilles Deleuze dans Proust et les signes, « suppose [alors] des énoncés directs et des significations explicites, issus d’un esprit qui veut le vrai ». Ces énoncés directs sont utilisés comme des grilles de lecture objectives visant à interpréter les spectacles et à en faire de riches prétextes pour penser à des sujets de plus grande envergure comme le rapport de l’esthétique et de la technique, la manipulation de la matière, la mise en scène de corps virtuels, l’âme et l’animation… La marionnette est alors utilisée comme un medium esthétique pour penser les grands problèmes de notre humanité dans son rapport à l’altérité. (…)

L’articulation entre la philosophie et la marionnette peut alors se faire dans un tout autre sens qui appelle une nouvelle méthodologie : celle que le chercheur finlandais Esa Kirkkopelto nomme « recherche‑création ». Ici, la théorie philosophique n’est pas utilisée pour amener la création artistique dans des « régions tempérées du clair et
du distinct » (Gilles Deleuze) , fréquentées par les esprits rationalistes. Au contraire, c’est un autre type de pensée qui est ici en jeu : une « pensée‑marionnette » qui est une « pensée de plateau », une pensée de terrain — dont le terrain serait la scène marionnettique dans toutes les particularités qu’elle présente. Pour le dire simplement, les concepts qui sont employés pour penser la marionnette ne sont plus empruntés à l’histoire de la philosophie, mais sont construits de manière adéquate lors de workshops de recherche‑création, émergeant de mises en situation aussitôt saisies par le penseur en action.

Gilles Deleuze et la marionnette

Gilles Deleuze et la marionnette

Chapitre de livre
Marionnette, corps-frontière, études réunies par Hélène Beauchamp, Joëlle Noguès et Élise Van Haesebroeck, Artois Presses Université, coll. "Corps et voix", 2016. EAN : 9782848322315
Année de publication : 2016

Les premières occurrences de l’idée de marionnette apparaissent dans L’Anti-Œdipe (1972). Gilles Deleuze utilise indifférement quatre termes : automate, pantin, marionnette et mannequin. Assurément, la vision deleuzienne de la marionnette est liée à la découverte de l’œuvre d’Antonin Artaud, de laquelle la marionnette est absente en tant que telle mais qui laisse paraître l’image récurrente d’un pantin à travers ses écrits [1].

Le pantin artaudien retient l’attention de Deleuze car c’est un pantin de la cruauté, dont la particularité est d’être détraqué et désarticulé. Une vision qui rompt avec les visions idéales de la marionnette du début du XXe siècle : celle de Maeterlinck, désespérant de la scène et des acteurs de chair, rêvant à un théâtre d’androïdes dont la charge symbolique et la présence hiératique servirait ses drames métaphysiques ou celle de Craig, proposant au comédien le modèle marionnettique afin qu’il acquiert des qualités supérieures et se libère des servitudes liées à la gravitation de son corps, devenant lui-même une « sur-marionnette » porteuse d’un drame symbolique. Artaud perçoit aussi que la marionnette élève la représentation vers des significations métaphysiques, mais surtout, elle figure plastiquement la pulsion de mort, grâce à son expression dépersonnalisée et ses gestes réduits à un système de signes. Pour Deleuze, le pantin artaudien en a fini « avec le jugement de dieu » : il n’incarne plus une idéalité, l’image d’une sur-marionnette parfaite qui déjoue les lois de la gravité mais au contraire, incarne la figure d’une déconstruction, d’une désarticulation psychologique et métaphysique de l’homme. Le pantin artaudien n’est pas une marionnette des hauteurs, mais une sous-marionnette, une infra-marionnette. En somme, une marionnette de la cruauté.

Cette effigie désarticulée permet à Deleuze, dans L’Anti-Œdipe, de figurer le corps du schizophrène, décrit comme celui d’un automate qui n’aurait plus conscience de l’organisation de son corps et qui en subirait la désorganisation jusqu’à éprouver un « corps sans organes » : « Les automates que nous sommes s’arrêtent et laissent monter la masse inorganisée qu’ils articulaient [2] ». Le corps sans organes des schizophrènes est une machine détraquée, désarticulée, une machine-célibataire à travers laquelle l’homme moderne prend conscience de son propre fonctionnement de machine, de son corps en proie à une pulsion de mort, à l’emprise croissante de la mécanisation, de l’échange des marchandises et du capitalisme [3].

[1] Sur la vision artaudienne du pantin, voir Hélène BEAUCHAMP, « Envers et renversements de la marionnette chez Antonin Artaud : la fin d’un mythe de la modernité », revue Théâtre/Public, n° 193, 2009, p. 7-11.
[2] Gilles DELEUZE, Félix GUATTARI, L’Anti-Œdipe, Paris, Les Éditions de Minuit, 1972, p. 15.
[3] Cette nouvelle union de l’homme et de la machine est théorisée par Michel CARROUGES in Les Machines célibataires, Paris, (Arcanes, 1954), Édition du Chêne, 1976 ; cité dans L’Anti-Œdipe, op. cit., p. 25.

Théâtre et politique. L’idée d’une dé-présentation théâtrale

Théâtre et politique. L’idée d’une dé-présentation théâtrale

Chapitre de livre
Politiques de la philosophie chez Gilles Deleuze, Adnen Djey dir., Genève, Metispresses, coll. Champ contre champ.
Année de publication : 2015

Dans « Un Manifeste de moins » (Superpositions), Deleuze cartographie ce qui pourrait être, selon lui,  la fonction du théâtre politique – et l’on s’aperçoit rapidement que son point de vue est marginal, en rupture avec ses contemporains. Le théâtre politique auquel Deleuze pense lorsqu’il commente le théâtre de Carmelo Bene – sur lequel il prend appui pour formuler ses propres hypothèses – est un théâtre à même de questionner le pouvoir (tant le pouvoir du théâtre que le pouvoir au théâtre), l’autorité de ses principaux participants (acteur, metteur en scène) et de ses principaux éléments (texte, scène). Ce théâtre « évidemment ne change pas le monde et ne fait pas la révolution [1] ». Deleuze ne croit pas non plus en un théâtre populaire, car il a le défaut intrinsèque de représenter des conflits et des oppositions, ce qui l’enferre dans une représentation de la réalité alors que Deleuze ne pense qu’à faire sortir le théâtre de la représentation en poussant la critique de telle façon que la représentation des conflits est supplantée par une « présence de la variation [2] » continue. S’il reconnaît à Brecht d’avoir tenté de dépasser les contradictions qu’il met en scène en donnant aux spectateurs la possibilité de trouver des solutions pour les résoudre, Deleuze lui reproche précisément ce qui vient : il ne s’agit pas d’apporter des solutions aux conflits mais de sortir de la représentation. Là émerge l’idée d’un théâtre politique deleuzien : « plus actif, plus agressif », où les conflits ne sont pas normalisés par la représentation codifiante, mais intensifs, comme des émergences soudaines d’une variation sub-représentative. Le brechtisme à la française, façonné par les intellectuels comme Barthes, n’est autre chose qu’une « prise de pouvoir sur une part importante du théâtre [3] », de même que le théâtre populaire italien des années 1980 est un « leurre idéologique ». Pour Deleuze, la fonction politique est ailleurs : dans le « travail souterrain d’une variation libre [4] » propre à un théâtre minoritaire.

[1] Gilles Deleuze, « Un Manifeste de moins », Superpositions, Paris, Les Editions de Minuit, 1979, p. 120.
[2] Ibid., p. 121.
[3] Ibid., p. 122.
[4] Ibid., p. 123.

Théâtre et corps. Débat au Théâtre du Vieux-Colombier

Théâtre et corps. Débat au Théâtre du Vieux-Colombier

Conférence
Théâtre du Vieux-Colombier, Paris.
Année de publication : 2015

Vendredi 13 février 2015, à 18h, j’ai participé à un débat avec Agathe Sanjuan, Martial Poirson et Clément Hervieu-Léger. À l’occasion du spectacle dansé par les Comédiens-Français L’Autre, par Françoise Gillard, ce débat met en perspective la place du corps dans l’histoire du théâtre. Des conventions classiques et de ses détournements jusqu’à l’idéal du spectacle total à la fin du XIXe et au théâtre « post-dramatique » au XXe siècle, c’est avec Diderot, Appia, Artaud, mais aussi en évoquant Beckett ou le metteur en scène Denis Marleau, que théoriciens et praticiens aborderont cette thématique. A. Sanjuan

Sur Z comme Zig Zag de Bérangère Jeannelle

Sur Z comme Zig Zag de Bérangère Jeannelle

Conférence
Centre Dramatique National de Normandie
Année de publication : 2015

Le mardi 20 janvier 2015, je participais à une table-ronde avec Patrice Vibert, Bérangère Jeannelle à la Maison de l’Université de Mont-Saint-Aignan, rencontre précédant le spectacle de Bérangère Jeannelle, Z comme Zigzag, inspiré de l’Abécédaire de Deleuze, au CDN de Normandie. J’y parlais de la dramaturgie de l’abécédaire dans la pensée de Gilles Deleuze (entrée libre).

Extrait du texte prononcé lors de la table-ronde :

« Tourné en 1988, en compagnie de l’ancienne étudiante et amie Claire Parnet, l’Abécédaire ne sera diffusé qu’après la mort de Deleuze, sur Arte en 1996, pour éviter tout risque d’être assimilé à la pratique télévisuelle des nouveaux philosophes contre lesquels Deleuze a toujours fermement pris position. Sur le mode de la conversation, Deleuze réagit à 25 thèmes  (25 et pas 26 car XY sont pris ensemble), sans être au courant néanmoins des questions précises de Claire Parnet. On est là devant un exercice semi-improvisé. A comme animal, B comme boisson, C comme culture, D comme désir, E comme enfance jusqu’à la lettre Z comme Zig Zag : toutes ces entrées condensent et retracent 40 ans de pratique de la philosophie. Deleuze fait la démonstration, dans cet abécédaire, d’une « pédagogie du concept », analysée à trois reprises dans Qu’est-ce que la philosophie ?, publié en 1991, qui, à mon sens, doit être lu véritablement en regard de l’Abécédaire. Je recommande surtout la lecture de la 1epartie : « Qu’est-ce qu’un concept ? » (QQphie, p. 37). Selon Deleuze, cette pédagogie du concept est absolument nécessaire.

Le philosophe qui est un créateur au même titre que l’artiste, ne doit pas, en quelque sorte, incarner une « encyclopédie universelle du concept » : en somme de faire preuve d’une érudition à tout prix au risque de devenir abscons pour le plus grand nombre. Au contraire, le philosophe-créateur, le philosophe-artiste doit s’engager dans une « tâche plus modeste », une « pédagogie du concept » qui analyse les « conditions de création » (QQphie, p. 17) d’un concept. Autrement dit, le plus important est de comprendre un concept concrètement, dans son surgissement, dans sa singularité – et non de faire de la philosophie une science de l’abstraction, qui repousserait loin ceux qui ne sont pas rompus à la pensée spéculative.

Quel est le statut des entrées choisies pour l’abécédaire ? Ces entrées ne sont pas des concepts, ni des maîtres-mots qui dominent une  production philosophique. Ce ne sont pas non plus des concepts fixes. Au contraire, ce sont des concepts-opérateurs qui indiquent une direction plus qu’ils ne caractérisent un lieu circonscrit du champ de la pensée deleuzienne. On pourrait dire, en adoptant le vocabulaire deleuzien, que ce sont des lignes de fuite, des intensités plutôt des programmes d’intensions. L’abécédaire tend à faire apparaître des devenirs plutôt que des mots : des devenirs qui sont plutôt des actes, des constructions. Ce ne sont pas les mots qui comptent – les mots peuvent toujours être remplacés par d’autres mots – mais davantage les agencements créés à partir des lettres ou des mots. Deleuze ajoute dans les Dialogues : « si chacun fait cet effort, tout le monde peut se comprendre », « il n’y a pas de mots propres », « il n’y a que des mots inexacts pour désigner quelque chose exactement ». « Créons des mots extraordinaires, à condition d’en faire l’usage le plus ordinaire ». Il continue en invitant à inventer de nouvelles manières de lire et d’écrire : « les bonnes manières de lire aujourd’hui, c’est d’arriver à traiter un livre comme on écoute un disque, comme on regarde un film ou une émission télé, comme on reçoit une chanson – on comprend alors pourquoi l’abécédaire commence par une chanson de Souchon…-(…). Il n’y a aucune question de difficulté ni de compréhension : les concepts sont exactement comme des sons, des couleurs ou des images, ce sont des intensités qui vous conviennent ou non, qui passent ou ne passent pas ». (p. 10) Il s’agit alors là de « pop philosophie », où « il n’y a rien à comprendre, rien à interpréter », seulement un agencement où il n’est pas question de s’adonner à l’organisation rationnelle d’une structure signifiante, mais plutôt de bégayer le langage lui-même pour faire émerger de nouvelles lignes créatrices.

La pop philosophie suit un procédé particulier : le pick-me-up, inspiré du cut-up de Burroughs (p. 16). Un procédé qui est inspiré de l’expression « pick-up », qui signifie le ramassage, l’occasion, le captage d’ondes. L’abécédaire est un dispositif qui permet cela. Il ne s’agit pas de chercher si l’idée que l’on s’apprête à dire est juste et vraie, mais il faut chercher une idée ailleurs, loin du domaine suggéré – et souvent c’est par le dialogue avec une autre personne que l’on arrive à sortir de la philosophie pour conquérir d’autres terrains (mais cela, Kleist en conversation avec sa sœur, l’avait déjà constaté).

Institut International de la marionnette de Charleville-Mézières

Résidence de recherche-création sur la marionnette

Conférence
Labo LAPS, Institut International de la marionnette de Charleville-Mézières
Année de publication : 2015

Du lundi 9 février au jeudi 12 février 2015, résidence de recherche-création à l’Institut International de la Marionnette de Charleville-Mézières, qui accueille l’équipe de recherche du Labo LAPS pour la deuxième année.

Lire sur le Labo LAPS :

L’équipe de la résidence de recherche-création était constituée de Noémie Lorentz, Hélène Beauchamp, Anaëlle Impe, Flore Garcin-Marrou, Raffaella Gardon, Shirley Niclais.

UNIMA

Quels sont les défis posés à la formation du marionnettiste dans le contexte actuel ?

Conférence
Rencontres professionnelles UNIMA, Institut International de la marionnette, Charleville-Mézières
Année de publication : 2015

Lors des Rencontres Internationales sur la formation aux arts de la marionnette « Pro-vocation marionnette », les 16-18 septembre 2015 au Théâtre de l’Institut International de Charleville-Mézières, j’ai tenu le rôle de la « mise en perspective et animation des débats » entre Tito Lorefice, Bart. P. Roccoberton, Marthe Adam, Lucile Bodson, Irina Niculescu, Hadas Ophrat, Pierre Blaise, Greta Bruggeman, Claire Heggen, Eloi Recoing…

Ces rencontres UNIMA visent à penser les changements esthétiques radicaux qui ont eu lieu au fil des dernières années et leurs conséquences sur la diversité des modalités de formation à la marionnette. Les programmes et diplômes, les écoles, les classes de maître font résonner des conceptions particulières de la transmission. Ces rencontres internationales visent à faire dialoguer les acteurs de cette « philosophie pratique de l’éducation », qu’ils soient artistes, pédagogues, chercheurs : quel type de marionnettiste veut-on former ? Quelles compétences cherche-t-on à transmettre ? Quels sont les défis posés à la formation du marionnettiste dans le contexte actuel ?

Penser avec le clapot, ou par clapot

Penser avec le clapot, ou par clapot

Conférence
Workshop La Caverne, sur l’invitation du SPEAP, Sciences Po Paris (Programme d’expérimentation en Arts et politique), Théâtre des Amandiers de Nanterre.
Année de publication : 2015

« Penser avec le clapot, ou par clapot. Voilà ce que pourrait être un théâtre écologique du point de vue de la pensée deleuzienne. Un théâtre qui ne se tiendrait pas à la surface des choses, mais bien sous les choses, avant leur formulation. Assurément ce théâtre du marais ou du marécage ne serait pas un théâtre classique, et se refuserait à tout cadre, à toute composition. Ce théâtre du marais agirait plutôt comme une force de décomposition, qui ramènerait le signe à un état marécageux, non-organique, brut. Plus de lignes droites, mais des lignes brisées, des diagonales, des idées prenant des vitesses folles. Des choses qui auraient l’air ivres… Quel monde ! Quelle angoisse ! s’exclame Deleuze dans son cours… Mais en même temps, quel appel à la vie ! »

Gilles Deleuze. La Pensée-musique

Organiser le chaos. Entretien avec Georges Aperghis.

Chapitre de livre
Pascale Criton et Jean-Marc Chouvel dir., Gilles Deleuze. La Pensée-musique, Publication Cdmc, Paris, 2015, p. 131-140.
Année de publication : 2015

Extraits de l’entretien avec Georges Aperghis, réalisé le 29 juin 2009.

En 1976, Félix Guattari découvre le théâtre musical de Georges Aperghis. L’ATEM -Atelier théâtre et musique-, implanté à Bagnolet en Seine-Saint-Denis, répond au besoin d’une nouvelle forme de représentation musicale en dehors de l’opéra, un besoin de raconter autrement, en écho à l’éclatement du récit en littérature et à la mutation du regard de l’auditeur-spectateur.

Flore Garcin-Marrou : A quelle occasion avez-vous rencontré Félix Guattari ?

Georges Aperghis : À l’époque, j’avais créé l’ATEM, un atelier Théâtre et Musique, installé en banlieue parisienne, à Bagnolet de 1976 à 1991, puis au Théâtre des Amandiers de Nanterre de 1992 à 1997. Le premier spectacle s’appelait La Bouteille à la mer, je l’avais monté en 1976, aux Théâtre des Bouffes du Nord. C’était le fruit de six mois de travail d’un groupe constitué de comédiens et de musiciens dans le sous-sol d’une tour HLM du Quartier Centre-Sud de Bagnolet. Dans ce quartier, qui comptait trois mille habitants dont 30 % d’immigrés, j’ai été frappé par l’immense partition que représente une façade de HLM et par la multiplicité des événements qui y ont lieu en même temps. J’ai voulu mettre en scène musicalement ce grand ensemble. Je voulais trouver une forme qui permette à la musique et au théâtre de raconter les automatismes de la vie quotidienne. Ce n’était pas un spectacle à thèse, le social et la politique étaient présents en arrière-fond, mais il s’agissait surtout d’un chaos organisé. Félix avait beaucoup été touché par ce double aspect et m’en avait parlé. De là est née notre rencontre. Il est venu ensuite voir tous les ans la majeure partie des créations de l’ATEM. À ces occasions, nous parlions beaucoup de musique et de théâtre. En 1979, il a publié un livre, L’Inconscient machinique et a pris un fragment de ma partition de La Bouteille à la mer pour la mettre en couverture. Le côté graphique des suites de portées et des lignes mélodiques lui avait plu.

(…)

F. G.-M. : Votre travail a-t-il été influencé directement par Guattari ?

G. A. : Au début, non. Comme je l’ai dit, je travaille intuitivement. Il était difficile pour moi d’être tout à fait conscient des questions que pouvait soulever ma musique. Guattari, lui, de l’extérieur, relevait dans mes spectacles des points communs avec sa philosophie. C’est ce qui a créé notre rencontre. Le fait que Guattari s’intéresse à mes spectacles m’a conforté : j’y ai trouvé des appuis philosophiques, psychanalytiques. Ce qui était au stade d’embryon dans mes pièces a pris de l’ampleur, après la lecture de Kafka. Pour une littérature mineure, car ce livre m’a donné des armes plus théoriques. Un compositeur n’a pas besoin de trouver une justification intellectuelle, mais il ne peut être qu’heureux quand il trouve des compagnons de route. Il est bon de ne pas se sentir complètement seul dans l’époque assez difficile que nous vivons aujourd’hui… Avec Guattari, c’était du compagnonnage, qui me donnait du courage. Je pense que pour Guattari, c’était la même chose : c’est pour cette raison qu’il sortait beaucoup. Il était à l’affût d’appuis ou de compagnonnages possibles avec ce que faisaient les gens. C’est quelqu’un qui a compté beaucoup, et qui compte encore aujourd’hui. En 1992, j’ai composéRitournelles, hommage après sa mort, inspiré des conversations que j’avais eu avec lui.

F. G.-M. : Suite à la création de votre spectacle Machinations créé à l’IRCAM en juin 2000, Peter Szendy a édité un recueil de textes, sous le titre « Machinations ». On y trouve un chapitre intitulé « Bestiaire et littérature (avec Deleuze et Guattari) ». Ce chapitre est constitué de cinq citations extraites de Kafka. Pour une littérature mineure. La première citation évoque le devenir-animal de chaque homme, mais aussi la nécessité de créer sa propre langue en mode mineur. La deuxième fait le constat que les gens d’aujourd’hui connaissent mal la langue qui est la leur. La troisième identifie les mots à des chiens qui aboient, à des intensités asignifiantes de la langue. La quatrième parle de l’usage mineur d’une langue. Enfin, la cinquième citation effectue une sorte de synthèse, en évoquant le polylinguisme, l’usage mineur et intensif d’une langue opprimée. De quelle manière ces citations ont-elles servi pour le spectacle ?

G. A. : Ces citations sont des notes de travail qui permettent d’approcher le langage musical à l’œuvre dans ce spectacle. Tout ce que Gilles Deleuze et Félix Guattari ont dit sur Kafka – le fait d’écrire dans une langue étrangère, le fait de minimaliser la langue, de la rendre pauvre et directe, le fait de parler à la place des animaux – ; ce sont des choses qui parlent aux musiciens. J’ai beaucoup travaillé sur la langue. Le bégaiement est mon pain quotidien. Le polylinguisme évoqué dans Kafka fait écho aux polyphonies à l’œuvre dans ma musique. Même si je travaille sur une seule voix, cette voix se multiplie. Elle prolifère. Guattari aimait beaucoup cette idée de prolifération. De même que le passage d’une voix chantée à des choses parlées, chuchotées, au souffle, à des expressions vocales qui ne sont pas du bel canto ou de la belle mélodie. Ces contrastes l’intéressaient beaucoup. Ma musique n’est jamais linéaire : je n’arrive pas à développer une ligne droite, mais au contraire, je ne cesse pas de passer à d’autres choses, pour ensuite retrouver ce que j’avais au début. J’imagine un tissu bigarré, un rhizome, des choses qui mangent les autres, des mélodies proliférantes… J’ai composé avec, à l’esprit, cette logique rhizomatique. Au xixe siècle, la musique était une arborescence, avec un tronc, des racines, des branches, des feuilles et des fleurs. C’était un développement qui partait d’un début (les racines) et qui s’acheminait jusqu’à la naissance des pommes. Avec le rhizome, la musique est un bout de mauvaise herbe qui mange une autre mauvaise herbe. Elle suit une horizontalité cassée, traversée de transversalités, de devenirs qui se développent en parallèle et viennent à se croiser : tel homme peut avoir un devenir-chien, tel autre, un devenir-arbre. Cet enchevêtrement de devenirs correspond tout à fait à une polyphonie musicale. Chaque voix est en devenir, indépendante des autres, et celles-ci à certains moments se trouvent ramifiées. Ces mélodies en devenir soulèvent aussi le problème de l’interprétation du musicien et du comédien. Pendant qu’ils jouent, doivent-il vivre ces lignes de fuite en devenir, ou seulement être des surfaces réfléchissantes qui ne font que renvoyer ces lignes ? Cette problématique trouve un écho dans les films de David Lynch : il arrive que les personnages ne soient plus les mêmes d’un plan à un autre. Ils peuvent se retrouver dans des situations tout à fait inattendues, dans des devenir-enfants, des devenir-assassins, dans des retours en arrière.

Lecture quantique de Heiner Müller : machine, fragment et chaos

Lecture quantique de Heiner Müller : machine, fragment et chaos

Article de revue
Etre ou ne pas être quantique - Le théâtre contemporain à l'épreuve de la physique moderne. Agnès Surbezy dir. Revue Hispania, Lansmann.
Année de publication : 2015
Ecole Normale Supérieure, Paris

Le théâtre de Genet vu par Deleuze : la réhabilitation d’un théâtre de simulacres

Conférence
Ecole Normale Supérieure, Paris.
Année de publication : 2015

Lundi 15 décembre 2014 – Séminaire du Collège International de Philosophie : « Littératures mineures. Pour une politique de la création littéraire » à l’ENS Ulm.

Flore Garcin-Marrou : « Le théâtre de Genet vu par Deleuze : la réhabilitation d’un théâtre de simulacres ».

Guillaume Sibertin-Blanc, « Les critères d’une littérature mineure dans Un Captif amoureux de Jean Genet ».

Le « performatif » de Judith Butler à l’épreuve de la scène ?

Le « performatif » de Judith Butler à l’épreuve de la scène

Chapitre de livre
F. Sounac, M. Plana dir., Esthétiques queer dans la littérature et les arts, EUD, Dijon, coll. "Ecritures".
Année de publication : 2015

Le queer vise ainsi le concept d’identité en pratiquant sa subversion, sa mise en trouble. La remise en cause de l’identité par le queer est générale : elle vise à dé-scléroser l’hétérosexualité, les féminismes, les communautés gay et lesbiennes… L’identité n’est pas seulement un destin mais aussi une histoire qui mérite d’être dramatisée. L’identité est une construction, élaborée à partir des normes et des pouvoirs subis et transgressés.

Le queer, ainsi, est anti-mimétique : la femme n’imite pas l’idée du féminin. Il n’y a pas un idéal du genre à imiter, dont nous ne serions tous que l’identique copie. Il est clair que la société nous engage à imiter. On imite, on imite, mais on imite quoi ? Une norme sexuelle qui vient d’où ? C’est la nouvelle de Kafka, intitulée « Devant la loi » : le personnage attend la loi devant une porte fermée. C’est l’attente qui confère alors l’autorité à la loi. L’autorité s’établit par l’attente de son dévoilement. Elle n’a pas besoin de paraître. C’est le même procédé pour les normes du genre. Le drag queen, remarque Butler, est là pour nous rappeler par ses spectacles allégoriques comment le genre relève d’une « structure imitative [1] » qu’il parodie : nous jouons nos rôles par habitus, nous répétons des codes. Le queer, donc, est une critique de la mimèsis, tout en jouant avec la théâtralité d’une mimèsis « au carré », parodique, où le drag queen mime l’individu qui mime un rôle social.

[1] Judith Butler, Trouble dans le genre. Le féminisme et la subversion de l’identité, Paris, La Découverte, coll. Poche, [1990], rééd. 2006, p. 16.

Labo LAPS

Bartleby, personnage d’un théâtre politique ?

Conférence
Séminaire du Groupe de Recherche Cinéma, théâtre, émancipation d’Olivier Neveux et David Faroult, Université Paris 3 Sorbonne-nouvelle, 26/01.
Année de publication : 2015

Dans la philosophie de Deleuze, la réflexion sur le négatif s’articule autour de la réflexion plus générale sur le lien entre critique et clinique. Deleuze critique la fonction du négatif au sein de la dialectique et propose un nouveau sens, une nouvelle fonction du négatif dans ce qu’il oppose à la dialectique, à savoir la clinique – qui relève plutôt d’une symptomatologie.

Relations émancipatrices à l’œuvre dans l’exposition/installation de Thomas Hirschhorn, Flamme éternelle. Production, situation, performance

Relations émancipatrices à l’œuvre dans l’exposition/installation de Thomas Hirschhorn, Flamme éternelle. Production, situation, performance.

Conférence
Journée d'études sur l'artiste émancipé, Olivier Neveux, David Faroult dir., Fondation Lucien Paye, Cité Universitaire, Paris.
Année de publication : 2014

Le 3 juin 2014, je participe à la journée d’études sur L’artiste émancipé, organisée par Olivier Neveux et David Faroult à la Fondation Lucien Paye (Cité Universitaire, Paris). J’y parle des « Relations émancipatrices à l’œuvre dans l’exposition/installation de Thomas Hirschhorn, Flamme éternelle. Production, situation, performance. »

« « Flamme éternelle » est un espace de 2000m2, ouvert de midi à minuit, du 24 avril au 23 juin 2014. 52 jours d’exposition où 200 philosophes, écrivains, poètes, comédiens viennent partager textes, travaux, vécus. Une bibliothèque, une vidéothèque, un bar sont à disposition de tous. Thomas Hirschhorn y est présent tous les jours. A partir de ma fréquentation régulière du lieu, j’interrogerai ce lieu d’apparent consensus propre à l’esthétique relationnelle comme possible lieu d’émancipation de l’artiste Hirschhorn, des artistes invités et du public mis en situation de créer, à travers les outils de production, de situation et de performance. »

Qu'est-ce que vieillir au théâtre ?

Qu'est-ce que vieillir au théâtre ?

Conférence
Théâtre du Vieux-Colombier, Paris.
Année de publication : 2014

Débat au Théâtre du Vieux-Colombier le 16 mai 2014, avec Florence Filippi et Agathe Sanjuan.

Théâtre, Performance, Philosophie Colloque 2014

Philosophes et Thespiens

Recension
Recension de Freddie Rokem, Philosophers and Thespians: Thinking Performance, Stanford University Press, Stanford, 2009 – Site TPP2014.com
Année de publication : 2014

Freddie Rokem, Visiting Professor au département Theater & Performance Studies de l’Université de Chicago, soutient dans son ouvrage que la relation entre théâtre et philosophie n’est pas une affaire abstraite. Les philosophies  spéculatives commettent une erreur quand elles évoquent le théâtre selon l’idée qu’elles se font du théâtre sans prendre en compte son existence scénique.

Revue Chimères, Bêt(is)es, n° 81

Pas si bête la marionnette !

Article de revue
Revue Chimères, Bêt(is)es, n° 81, éd. Erès, p. 131-138.
Année de publication : 2014

Penser la marionnette avec la 7e séance du séminaire La Bête et le souverain de Jacques Derrida.

Guignol est loin d’être un guignol : faut-il rappeler qu’il est un personnage créé par le canut lyonnais Laurent Mourguet, qui avait pour fonction de livrer une gazette des actualités du jour, dénonçant par la force de son comique les injustices subies par les petites gens. Son bon sens populaire est la meilleure arme pour se défendre contre les souverains (Canezou, le propriétaire, Bailli, le Juge, Flageolet, le Gendarme, Battandier, le bourgeois et le Sergent, militaire bourru). Comme ses acolytes (Gnafron, un peu trop porté sur le Beaujolais, Madelon, sa femme acariâtre, bavarde, attentive aux rentrées d’argent, Cadet, garçon naïf, voire niais), il désarme les oppresseurs par sa gentillesse et remporte la sympathie des opprimés. (…)

Tchantchès, la marionnette liégeoise, est vêtue comme les ouvriers frondeurs de la fin du XIXe siècle : elle apparaît lors de la Révolution liégeoise (1789-1795) qui a entraîné la chute des princes-archevêques et la disparition de la principauté de Liège. Lafleur, la marionnette picarde, apparaît à la même époque portant un bas bleu, blanc, rouge, se caractérisant par un franc parlé frondeur et par ses démêlés avec les gendarmes, qu’il boute hors du castelet avec sa jambe tendue. Souvent paresseux, avinés ou fats, ces personnages sont aussi assoiffés de liberté, jamais impressionnés par les titres et les couronnes. Pas si bête la marionnette ! Souvent elle s’avère plus perspicace que ceux qui sont aveuglés par le pouvoir. La bêtise n’est donc pas du côté que l’on croit.

Université Paris 1 Sorbonne

La performance est-elle un art à deux temps ?

Conférence
Université Paris 1 Sorbonne.
Année de publication : 2014

Lundi 2 et mardi 2 décembre 2014, je tiens le rôle de répondante à la conférence plénière de Jacinto Lageira, « En un instant immobile », lors du colloque international « Arts Temps et performance : décaler les gestes », organisé par Barbara Formis, Mélanie Perrier du Laboratoire du geste, Université Paris 1-Sorbonne.

Si la performance est un art à un temps, elle serait plus prochaine des arts plastiques. Si la performance est un art à deux temps, elle serait plus proche du théâtre. Vers quel pôle esthétique la performance penche davantage ? Ma réponse à Jacinto Lageira :

Les arts se nichent alors dans un écart entre les moments du temps et la conscience de ces moments et proposent des expressions, des manifestations du temps, qui tendent parfois à réduire l’écart entre le temps et sa saisie par la conscience – c’est le cas, par exemple, de la règle des trois unités au théâtre qui vise à réduire l’écart entre le temps de l’action dramatique et la durée de l’action représentée sur scène, ou donner l’illusion qu’un art peut habiter complètement son temps : la performance, par exemple, habite le temps de son exécution : unique, non reproductible, elle ne recrée pas un texte préalablement écrit et elle ne sera pas répétée ailleurs. Elle meut le corps du performeur, à l’instant même où elle se déploie. En cela, elle épouse alors le flux continu du temps. La performance est donc ce qui permettrait d’abolir l’écart entre le temps et sa manifestation.

Votre intérêt se porte particulièrement sur la photographie – mais vous le savez peut-être, je m’occupe quant à moi particulièrement d’esthétique théâtrale, dont les départements de philosophie de l’art s’occupent plus rarement. Depuis que l’on parle de performance en philosophie, on en parle souvent beaucoup plus par rapport à l’art contemporain, aux beaux-arts qu’au théâtre – ce qui ne fait qu’écho au fait que la performance est davantage programmée dans les centres d’art et les galeries, que dans les théâtres. Pour ma part, je trouve qu’encore trop souvent, le théâtre est évoqué par les esthéticiens comme un art vieux, poussiéreux, soumis à une mimesis, une vraisemblance qui n’en fait pas un art très emporté sur son époque (ce sont les mots de Deleuze lorsqu’il dit dans l’Abécédaire qu’il n’aime pas le théâtre). Or le théâtre aujourd’hui est multiple, polymorphe – on ne peut véritablement plus parler de théâtre au singulier aujourd’hui tant ses formes sont innombrables, en dialogue avec les autres arts, en constante hybridation.

Une question, donc, m’est venue  – une question plutôt simple. Quel est l’écart entre le temps du théâtre et le temps de la performance ?

Henri Gouhier, rare esthéticien de théâtre du XXe s, a écrit un livre qui s’intitule Le théâtre et les arts à deux temps en 1989. A cette date, Gouhier a 91 ans. Et cela fait déjà un peu plus de 40 ans qu’il a écrit ses deux livres de philosophie du théâtre qu’on étudie encore dans les cursus d’études théâtrales (L’essence du théâtre et Le Théâtre et l’existence). On ne peut pas dire que Le Théâtre et les arts à deux temps soit un grand livre – et que Gouhier à 91 ans ait été à la pointe de l’avant-garde théâtrale des années 90 – mais je voulais rappeler ce matin la thèse de Gouhier sur le temps spécifique qui s’exerce au théâtre. – et questionner l’écart entre ce temps du théâtre et le temps de la performance.

Gouhier dit que le théâtre est un art à deux temps : soit un art qui a un temps de création, et un temps de re-création qui est la représentation ou l’exécution. La peinture, la sculpture sont des arts à un temps car ils jouissent d’une identité permanente à partir du moment où l’artiste a décidé de ne plus y toucher. La musique, la danse, le théâtre sont des arts à deux temps car ils ne sont eux-mêmes qu’en ajoutant au temps de la création un second temps, celui de la re-création, sorte de résurrection ou de revival écrit Gouhier.

Cette considération du théâtre comme art à deux temps est fondatrice des études théâtrales en tant que discipline, qui se sont justement fondées sur cette idée que le théâtre n’est pas seulement un texte (comme le prône les études littéraires) mais aussi le temps de sa représentation. Ce second temps est particulier : comme vous l’avez dit, il est fugace, éphémère, un présent qui devient aussitôt passé. Gouhier cite Baty : « La beauté d’un drame est comme l’éclair, magnifique et brève. Jusqu’à l’heure où le rideau se lève, que de méditations et de recherches, d’efforts – et combien de gens ! Rien n’en restera. Mélancolie des décors poussiéreux, des costumes fanés, des textes morts ».

Ce second temps offre la possibilité de faire revivre ce temps dans d’autres circonstances, dans d’autres décors, avec d’autres acteurs. Un éphémère qui peut infiniment revivre, à  travers les siècles, dans des salles partout dans le monde. Ce deuxième temps de la re-création, au théâtre, est un temps toujours immensément conjugué au présent. C’est la phrase de Louis Jouvet : « Au théâtre on joue, au cinéma on a joué ». Le théâtre est sous nos yeux, le cinéma est déjà arrivé, à bonne distance de nous.

Gouhier constate qu’avec le pouvoir grandissant des metteurs en scène de théâtre, recréant une œuvre scénique à part entière – qui vient éclipser le matériau textuel, un des deux temps du théâtre disparaît alors. Artaud déjà prônait une véritable « philosophie du théâtre-spectacle »  où le texte n’est plus central. Il n’est pas supprimé, mais rejeté vers la périphérie : la scène est alors centrale comme lieu physique et concret qui demande à ce qu’on lui fasse parler son langage propre – et non le langage des livres. Les écritures de plateau sont un type de théâtre à un temps – puisque le texte s’écrit dans le processus de création scénique. De même que la création collective. Mais c’est le cas aussi du happening écrit Gouhier, ou de l’improvisation. Et l’on pourrait le suivre en considérant que la performance est un art à un temps, en ceci que sa conception et sa production coïncident.

Mais voilà qu’à la fin du livre de Gouhier, s’opère un retournement. Gouhier montre que ces formes apparentes d’art à un temps sont nécessairement destinées à devenir des arts à deux temps – car si la création scénique est 1e, une phase d’écriture a posteriori peut s’imposer à l’artiste performeur.

On peut dire aujourd’hui que la pensée de Gouhier peut être révisée – on n’a pas de mal à sortir le théâtre de ce temps binaire. Et votre intervention montre de quelle manière il y a une multiplicité des temps. Ainsi, je voudrais vous poser cette question : comment  analyse-t-on le temps de la performance ? avec des outils conceptuels tirés d’une esthétique théâtrale ? ou des outils propres à l à la pensée des arts plastiques ? Si la performance est un art à un temps, elle serait plus prochaine des arts plastiques. Si la performance est un art à deux temps, elle serait plus proche du théâtre. Vers quel pôle esthétique la performance penche davantage ?

La mise en scène de l’état de grâce dans le théâtre de Valère Novarina

La mise en scène de l’état de grâce dans le théâtre de Valère Novarina

Article de revue
Littérature et théologie. Autour de Valère Novarina, revue Littérature, Armand Colin. Olivier Dubouclez, Alison James dir.
Année de publication : 2014
L'auteur en réseau, les réseaux de l'auteur

L’écrivain sur Facebook. Constructions imaginaires de la figure d’un auteur dramatique à partir des réseaux sociaux

Chapitre de livre
L’Auteur en réseau, les réseaux de l’auteur, O. Deseilligny, S. Ducas dir., Presses Univ. Paris Ouest, coll. « Orbis littérarum », p. 159-176.
Année de publication : 2014

La surmédiatisation des écrivains les amène de plus en plus à s’auto-marketer, à s’auto-évaluer comme produit marketing calibré pour vendre du livre : le réseau social peut être alors un moyen ludique de se mettre numériquement en vitrine. Par exemple, les écrivains « branchés » parisiens informent leurs lecteurs des concerts, des soirées où ils sont invités, du dernier livre qu’ils ont aimés, mais aussi parfois d’éléments de leur vie personnelle. Dans un deuxième cas de figure, les réseaux sociaux interviennent sur le terrain de la création. Suivre un écrivain en train de composer un livre peut avoir un intérêt génétique : avant de fermer son compte Facebook, Ann Scott a permis à ses lecteurs de la suivre tout au long de son processus d’écriture, pendant les jours de « panne » comme pendant les jours prolixes. Son compte Twitter a été un relai de la promotion de son livre et ses humeurs au quotidien. D’autres écrivains postent des extraits de textes, des pensées, des aphorismes, de sorte que les réseaux sociaux deviennent une extension de leurs cahiers d’écriture, un cahier moleskine 2.0, un lieu virtuel où s’élaborent des embryons de phrases qui figureront peut-être plus tard dans un livre imprimé. Ainsi, ce que les auteurs écrivent sur les réseaux sociaux peut-il faire littérature ?

Être ouvreuse dans un théâtre privé parisien : velours rouge et précarité

Être ouvreuse dans un théâtre privé parisien : velours rouge et précarité

Chapitre de livre
La Sortie au spectacle, Pascale Goetschel et Jean-Claude Yon dir., Paris, PUPS.
Année de publication : 2014
Etienne Souriau et la Revue d’esthétique, ou les origines philosophiques des études théâtrales

Etienne Souriau et la Revue d’esthétique, ou les origines philosophiques des études théâtrales

Chapitre de livre
Séminaire « Le fait théâtral au croisement des Sciences humaines », sur l’invitation de Marie-Madeleine Mervant-Roux, CNRS-INHA, 25/01.
Année de publication : 2014

L’objet de cet article est d’examiner comment la pratique d’esthéticien d’Étienne Souriau l’a amené, aussi bien au niveau institutionnel qu’au sein de son œuvre philosophique, à dessiner des rapports complexes entre l’étude du fait théâtral et la spéculation philosophique. En se focalisant sur des problèmes tels que la légitimité respective des théoriciens et praticiens du théâtre à parler d’esthétique théâtrale, la place des arts du mouvement dans l’esthétique philosophique ou encore le positionnement éthique du chercheur en philosophie lorsqu’il emprunte au théâtre pour développer sa pensée, l’article brosse le portrait d’une époque antérieure à l’institutionnalisation des études théâtrales en France, tout en faisant écho aux questions contemporaines relatives à l’approche interdisciplinaire du fait théâtral.

Article écrit avec Aline Wiame.

Dramatisation des scènes de dispute dans les dialogues philosophiques empiristes (Berkeley, Hume, Locke)

Conférence
Colloque-festival « Scènes de dispute » : dispute et dramaturgie en France et en Grande-Bretagne (XVI-XVIIIe s), Sophie Vasset, Jeanne-Marie Hostiou org., Univ. Paris-Sorbonne, 05-07/06.
Année de publication : 2014

La dispute permet à Hume de ne pas écrire une critique frontale contre les assises de la religion. La forme dialoguée est un paravent pour dissimuler une pensée qui se dévoile selon plusieurs masques, et dans un jeu. La dispute permet de dire qu’en matière de religion, les idées ne sont jamais que de la croyance – la raison a ses limites ! -. Il est donc vain de vouloir trancher. Mettre en scène des personnages permet donc de ne pas trancher. C’est une philosophie qui ne choisit pas son camp et qui renvoie chacun à la cohérence de son discours. C’est une philosophie qui ne conclut pas non plus et qui suspend son jugement. Pamphile est le pupille de Cléanthe qui  est à l’âge où il doit être initié aux mystères de la religion. Cléanthe propose sa méthode : le guider par la raison. Il incarne le scientisme. Déméa propose une autre méthode : humilier la raison et préparer l’initié à recevoir la révélation. Elle incarne l’orthodoxie. Entre ces deux personnages antagoniste, un troisième : Philon. Son rôle est de brouiller les pistes et surtout de renvoyer dos à dos les deux adversaires. Il incarne l’ironie sceptique. Les dialogues sont des jeux d’alliance : Philon s’allie avec Déméa contre Cléanthe – puis Philon s’allie avec Cléanthe contre Déméa.

Si Déméa est un faire-valoir, Hume distille sa philosophie dans Philon et Cléanthe. Il les considère complémentaires et conflictuels. Sur le fond, ils sont d’accord : l’un et l’autre sont empiristes et croient au primat de l’expérience sensible. C’est donc sur un fond d’accord tacite que vient se greffer leurs deux divergences. Des différences théoriques mais aussi stratégiques, de l’ordre du maniement du discours. On lit de véritables passes d’armes entre Philon et Cléanthe. (Cléanthe affirme que le scepticisme est contestable et contre-nature : les objets, les passions obligent à choisir selon sa raison. Il y a là une contradiction.) Les remarques de Cléanthe obligent Philon à préciser son scepticisme. Déméa fixe ensuite les règles de la discussion. (Elle affirme que Dieu n’est objet que d’amour et non de connaissance.)  Cléanthe (repousse avec vigueur la démission de la raison et) argumente. Philon l’attaque en pointant la faille du raisonnement de Cléanthe. L’entretien pourrait s’arrêter là.

Mais c’est sans compter la parade de Cléanthe qui quitte le terrain de la logique scientifique sans l’avouer explicitement d’ailleurs. Il fait désormais appel à l’évidence (il n’y a pas besoin de preuves rationnelles  pour penser Dieu mais il suffit de se contenter du spectacle de la nature. La parade est efficace). Pour échapper à la critique de Cléanthe, Philon doit apporter la preuve que le doute n’est pas seulement spéculatif mais qu’il a une réelle incidence sur la pensée. (La discussion qui s’engage entre les trois protagonistes porte alors sur le fait de savoir si le Dieu dont parle Cléanthe correspond au Dieu de la tradition chrétienne.) Déméa lance l’offensive. Cléanthe lui répond violemment. Il marque un point. Philon exploite l’accusation lancée par Déméa à l’encontre de Cléanthe pour tourner la discussion à son avantage. Philon applique la stratégie sceptique dont le principal ressort est la démonstration par l’absurde. Prenant prétexte de la victoire provisoire de Philon sur Cléanthe, Déméa revient à la charge. Cléanthe réfute. Déméa échoue. Philon tombe d’accord avec les critiques de Cléanthe. Sur le plan théorique, Philon semble l’emporter. Toutefois, Cléanthe brille par la force de ses convictions.

Déméa tente une alliance avec Philon – qui jubile et lui emboîte le pas, lançant sa dernière attaque contre les positions de Cléanthe. Philon abandonne le terrain de la spéculation pour investir celui du sentiment. Il domine le débat : il a réussi à retourner contre Cléanthe les critiques que ce dernier adressait contre une argumentation abstraite. Cléanthe, conscient du piège tendu par Philon, est contraint de réviser sa doctrine. A la fin de la 11e partie, le triomphe de Philon semble assuré : Cléanthe a été battu sur son propre terrain. Déméa a pris conscience qu’elle servait d’alibi pour Philon. Elle s’en va. Mais la dernière partie s’ouvre sur un coup de théâtre : Philon épouse soudainement les thèses de Cléanthe. C’est un stratagème : il met en scène son propre doute, il suspend provisoirement son jugement de manière à ne pas enferrer la pensée. Cette stratégie permet de réconcilier l’athée et le théiste en réduisant à une simple querelle de mots l’objet de la controverse. Philon met en garde contre les pièges du langage qui crispe les idées – le doute permet de dénoncer le verbalisme creux et met en valeur le vide de la pensée : les deux personnages sont finalement en désaccord d’un point de vue cognitif et verbal mais sont en réalité d’accord sur l’essentiel. Hume dénonce en cela l’intransigeance verbale propre aux dévots, qui provoquent querelles et guerres fanatiques.

Que de revirements, de jeux d’alliance, de stratagèmes – dans le seul but de prendre du plaisir à échanger des idées.

Théâtralité de la musique et du concert des années 1980 à nos jours

De l’idée d’un théâtre « phonique ». Le « devenir-concert » du théâtre expérimenté par Carmelo Bene

Article de revue
Revue Musicorum, Théâtralité de la musique et du concert des années 1980 à nos jours. Frédéric Sounac, Muriel Plana et al. dir., n° 15, p. 9-14.
Année de publication : 2014

En 1980, Gilles Deleuze assiste à la première du Manfred-Carmelo Bene à la Scala, inspiré du poème dramatique de Robert Schumann et du drame en vers de Lord Byron. Peu de temps après, dans son article « Manfred : un extraordinaire renouvellement », Gilles Deleuze salue,d’une part, la capacité de Carmelo Bene à allier théâtre et musique et à dépasser, d’autre part, la forme traditionnelle de la représentation théâtrale autant que la forme traditionnelle du concert. Retravaillant la partition de Schumann en alliant le parlé (le sprechgesang), les soli, le choeur mixte et les parties pour orchestre, Bene compose une écriture polyphonique qui fonde un nouveau rapport entre texte et musique. Ne se contentant plus d’être seulement un interprète, Carmelo Bene devient l’expérimentateur d’une partition qu’il déconstruit activement et reconstruit à sa guise.Cette version de Manfred se situe entre le théâtre, le concert et l’opéra. Deleuze forge le terme de « dé-présentation » qui signe la mise en faillite de la représentation mimétique, de même que Bene forge le terme de « dé-concert » qui signe le désossement de la « forme-concert » qu’il engage sur d’autres voies plus contemporaines, confrontant la forme à ses « dehors » et à son « devenir ». Le dé-concert de Carmelo Bene déterritorialise la forme-concert qui s’hybride avec le théâtre, la danse et le cinéma, s’expérimentant commeun spectacle de l’hétérogène, qui joue sur des effets de couture et de dé-couture entre les arts.

Théâtre/Public n° 214. Variations Radeau

Cinq propositions sur le Théâtre du Radeau

Article de revue
Théâtre/public, Variations Radeau, n° 214, Eric Vautrin coord., oct-déc 2014, p. 18 ; 32.
Année de publication : 2014
Labo LAPS

Un théâtre situationniste ? Debord et le théâtre

Recension
Présentation des travaux de Nicolas Ferrier, Situations avec spectateurs, PUPS, 2012. Site du Labo-laps.com
Année de publication : 2013

Situations avec spectateurs. Recherches sur la notion de situation de Nicolas Ferrier commence par une réflexion sur le spectateur, observé dans un état de passivité, fasciné par un monde qui tourne au rythme de la marchandisation, dont le désir est structuré par une frénésie de consommation.  Cet état empêche le sujet-spectateur de prendre le monde « en souci », c’est-à-dire d’entretenir un rapport avec lui qui permette que les mots et les actes aient un sens (ce vers quoi, a contrario, l’art nous pousse). Le langage, l’art et la culture sont littéralement consommés par le sujet passif, alors qu’ils sont saisis, réinventés par un sujet dont l’activité lui permet une réappropriation. Ainsi, le spectateur, qu’il soit passif ou actif, se caractérise par sa relation au sens, relation qui s’établit au sein d’une situation.

Revue Chimères, Squizodrame et schizo-scènes

Un théâtre de la capacité

Recension
Revue Chimères n° 80, p. 224-226.
Année de publication : 2013

Recension : Olivier Neveux, Politiques du spectateur. Les enjeux du théâtre politique aujourd’hui, Paris, La Découverte, 2013.

Inséparable de la notion d’émancipation et de transformation de la réalité, ancrée dans l’Histoire, se cristallisant dans des événements, la politique est pratique et productive : elle s’incarne dans des corps, traduit des conflits. Il s’agit alors d’explorer la mise du théâtre sous tutelle de la politique, des théâtres revendiquant une relation déclarée avec la politique et tout spectacle qui conçoit un rapport particulier au spectateur. Quelle relation entretient le théâtre politique avec son public ? Que dit cette relation du monde ?

Revue Chimères, Squizodrame et schizo-scènes

Théâtre(s) clinique(s)

Article de revue
Revue Chimères, Squizodrame et schizo-scènes, n° 80, éd. Erès, p. 75-85.
Année de publication : 2013

Il faut en « finir avec le jugement de dieu » écrit Artaud, de même qu’il faut en finir avec le théâtre mimétique et lui préférer un théâtre qui produit de la différence, un théâtre de la cruauté qui se situe 1/ précisément au-delà du jugement (ce théâtre est donc préjudicatif) 2/ au-delà de la représentation (ce théâtre est donc sub-représentatif). Ce théâtre anti-critique (dans un sens kantien) n’en demeure pas moins critique (mais la critique dont il s’agit alors ne participe pas à la doctrine du jugement telle qu’on la trouve dans la tragédie grecque par exemple). Comment théoriser cet autre type de critique, qui s’impose comme une critique participant d’une clinique ?

Pourparlers sur le théâtre

Pourparlers sur le théâtre

Chapitre de livre
Pourparlers, entre art et philosophie. Images et langages chez Gilles Deleuze , Fabrice Bourlez/Lorenzo Vinciguerra dir., ESAD-EPURE, Editions et Presses Universitaires de Reims, décembre 2013, p. 31-46.
Année de publication : 2013

Nous avons voulu apprécier ici la puissance de Pourparlers à affecter notre pensée. Même si ce recueil de textes fait état principalement d’entretiens sur l’esthétique du cinéma, nous avons pris le parti de faire dialoguer Pourparlers avec la problématique du théâtre, afin d’esquisser les grands traits d’une pensée deleuzienne du théâtre et de donner des outils à ceux qui « font » le théâtre et qui seraient désireux d’articuler leur pratique à la philosophie de Gilles Deleuze. (…)

Deleuze et Guattari partent en croisade contre le théâtre bourgeois, œdipien, psychanalytique et se mettent à évoquer d’autres théâtres, en-deçà de la représentation, qui ont la particularité de laisser le processus schizo de la pensée se libérer. Un théâtre psychanalytique et un théâtre schizoanalytique s’opposent désormais, comme pourraient s’opposer un théâtre de la névrose et un théâtre de la psychose. L’un se situe dans un cadre familial (Freud recherche les causes de la névrose dans le cercle restreint des parents proches), l’autre se situe dans un cadre « historico-mondial » (PP, 33). Le théâtre de la pensée schizo se bat contre l’impérialisme du Signifiant, ne cherche pas à interpréter le discours du patient analysé, mais au contraire, invite le schizoanalyste à procéder à une analyse fonctionnaliste de l’inconscient. Au lieu de se demander « Qu’est-ce que cela veut dire ? », il encourage le patient à comprendre comment son inconscient « fonctionne ». Alors que le théâtre œdipien repose sur la représentation, le théâtre schizoanalytique est bâti sur un certain constructivisme de la pensée, constituée de flux, d’intensités, de processus. Le changement de paradigme (représentation/production) a été initié par Nietzsche qui le premier « passe du mode du vrai au mode du devenir » (PP, 95). A partir de là, la philosophie suit une autre dramaturgie, qui ne remonte plus à des points fixes mais suit et démêle des lignes (PP, 119). Il ne s’agit plus de composer une philosophie systématique ou de penser en termes de structure, mais en termes d’agencements machiniques, qui mettent en mouvement un « théâtre de la production », un « théâtre schizo ». (…)

Labo LAPS

Penser le retour de la narration contre Jean-François Lyotard ?

Recension
Recension d’Arielle Meyer MacLeod, Michèle Pralong dir., Raconter des histoires. Quelle narration au théâtre aujourd’hui ?, Métis Presses, coll. Voltiges, 2012. – Site du Labo-laps.com
Année de publication : 2013

Alors que la postmodernité se caractérise par une mise en « crise des récits », le théâtre ultra-contemporain ne serait-il pas en train de rebattre les cartes et de réhabiliter d’autres formes de récits pour dire le monde ?

Organiser le chaos, entretien avec Georges Aperghis

Organiser le chaos, entretien avec Georges Aperghis

Article de revue
Revue Chimères, n° 79, Chaosmose Temps pluriels, éd. Erès, p. 37-43.
Année de publication : 2013

Flore Garcin-Marrou : A quelle occasion avez-vous rencontré Félix Guattari ?

Georges Aperghis : J’ai commencé à composer du théâtre musical dès 1971. Mes premiers spectacles ont été présentés au Festival d’Avignon. J’ai ressenti le besoin d’inaugurer une nouvelle forme de représentation musicale différente de l’opéra, de raconter autrement, en écho à l’éclatement du récit en littérature [1]. J’ai voulu poursuivre cette démarche en créant un atelier Théâtre et Musique, l’ATEM, installé en banlieue parisienne à Bagnolet de 1976 à 1991, puis au Théâtre des Amandiers de Nanterre de 1992 à 1997. Le premier spectacle que j’ai réalisé, La Bouteille à la mer, a été le fruit de six mois de travail d’un groupe constitué de comédiens et de musiciens dans le sous-sol d’une tour HLM du Quartier Centre-Sud de Bagnolet. Dans ce quartier qui comptait trois mille habitants, dont 30 % d’immigrés, j’ai été frappé par l’immense partition que représente une façade de HLM et par la multiplicité des événements qui y ont lieu en même temps. J’ai voulu mettre en scène musicalement, avec le groupe d’habitants et le groupe d’artistes, la multiplicité de ce grand ensemble. Je voulais trouver une forme qui permette à la musique et au théâtre de raconter les automatismes de la vie quotidienne. Les procédures de composition et de syntaxe en étaient directement inspirés. Si le propos était socialement engagé, ce n’était pas pour autant un spectacle à thèse car j’ai toujours tenu à transposer des faits sociaux dans un monde poétique, souvent complètement chaotique. Je désirais surtout montrer un « chaos organisé ». Félix Guattari, penseur de la « chaosmose », ne pouvait qu’être touché par ce double aspect de mon entreprise et avait tenu à ce que nous nous rencontriions, après qu’il ait vu le spectacle au Théâtre des Bouffes du Nord. Il est venu ensuite, tous les ans, assister à la majeure partie des créations de l’ATEM. Lorsqu’en 1979, il a publié L’Inconscient machinique, il a tenu à reproduire un fragment de ma partition de La Bouteille à la mer sur la couverture du livre. L’aspect graphique des suites de portées et des lignes mélodiques lui avait plu.

[1] À propos du théâtre musical, se reporter à l’article de G. Aperghis, « Quelques réflexions sur le théâtre musical », [1989], dans Antoine Gindt, Georges Aperghis, le corps musical, Arles, Actes Sud, 1990, p. 61-63.

Revue Chimères, Squizodrame et schizo-scènes

N.A.J.E., le théâtre de l’Opprimé

Article de revue
Entretien avec Fabienne Brugel.
Revue Chimères, Squizodrame et schizo-scènes, n° 80, éd. Erès, p. 149-155.
Année de publication : 2013

La compagnie théâtrale N.A.J.E., acronyme pour « Nous n’Abandonnerons Jamais l’Espoir », a été créée lorsque Fabienne Brugel a quitté le centre du 0éâtre de l’opprimé Augusto Boal. Un autre titre avait été d’abord envisagé: « Ayons le courage d’être heureux ». C’est un groupe de femmes de Vaulx-en-Velin qui a finalement choisi N.A.J.E. car l’espoir s’est révélé être le moteur des actions entreprises par la compagnie.

Le théâtre est-il un art fondamentalement masculin ?

Le théâtre est-il un art fondamentalement masculin ?

Recension
Nonfiction
Année de publication : 2013

Recension : Muriel Plana, Théâtre et féminin. Identité, sexualité, politique, Dijon, PUD, 2012

Passage du témoin

Le drame émancipé

Chapitre de livre
Passage du témoin (hommage à J.-P. Sarrazac), Études théâtrales, Joseph Danan, David Lescot dir., Univ. Catholique de Louvain, n° 56-57, p. 171-181.
Année de publication : 2013

Jean-Pierre Sarrazac veille, au fil des pages, à ce qu’un structuralisme trop bien huilé ne vienne pas éteindre le phénomène d’apparition théâtrale. Ainsi, cette poétique du drame moderne répertorie, sans formaliser, laissant les interprétations ouvertes, prenant toutes les distances nécessaires, dès la préface, avec une approche textocentriste du théâtre et allant même jusqu’à appeler à un renversement historique qui mettrait l’existence scénique d’une pièce comme premier élément d’analyse, avant le texte. Ce volume se propose donc d’analyser le drame moderne apparu à la fin du XIXe siècle. Le présupposé affirmé dès le sous-titre du livre, est qu’il existe un même paradigme unissant le drame des années 1880 à celui d’aujourd’hui, faisant de Strindberg un contemporain de Sarah Kane… Jean-Pierre Sarrazac bâtit son propos en regard de l’ouvrage de référence de Peter Szondi, Théorie du drame moderne, prenant ses distances avec l’analyse hégéliano-marxiste du drame ainsi qu’avec le concept de « post-dramatique » de Hans-Thies Lehmann. De nouveaux éléments d’analyse sur le drame moderne jaillissent de l’étude d’un corpus ultra-contemporain, pour lequel Jean-Pierre Sarrazac se pose en entomologiste du vivant : ses riches analyses de spectacle forment de grands ensembles, sans jamais prétendre à aucune exhaustivité. Il s’agit bien là d’une « poétique du mouvant », d’une « poétique ouverte » qui sied à un art vivant.

Labo LAPS

La vérité en pointure. Derrida au théâtre

Recension
Recension de la représentation de la Cie J’ai, lors des 30 ans du Collège International de Philosophie. Site du Labo-laps.com
Année de publication : 2013

Le 9 juin 2013, au Théâtre de Gennevilliers, la compagnie J’ai, composée de Stéphanie Farison, Guillaume Rannou, Juliette Rudent-Gili, Martin Selze, met en scène une enquête dramatisée autour d’un des tableaux de Van Gogh et d’un texte fameux du philosophe Jacques Derrida : « Restitutions. De la vérité en pointure ».

Le spectacle retrace un cheminement de pensée. On passe de plateaux en plateaux, chacun conjuguant une date, un lieu, un personnage. 1886 : Van Gogh peint des souliers. 1905 : Cézanne formule la vérité en peinture. 1935 : Heidegger commente le tableau de Van Gogh dans L’Origine de l’œuvre d’art. 1965 : Meyer Schapiro répond à Heidegger à propos du tableau de Van Gogh. 1976 : la revue Macula demande à Jacques Derrida de commenter la correspondance entre Heidegger et Schapiro. 1978 : Derrida écrit La Vérité en peinture. 2000 : les comédiens de la Compagnie J’ai découvrent le texte de Derrida. 2009 : la Compagnie va au musée d’Amsterdam pour voir le tableau orignal de Van Gogh. 2013 : l’enquête est restituée au Théâtre de Gennevilliers.

La solitude de Kleist

Conférence
Les Non-lieux de l'exil. Bibliothèque Marguerite Duras, Paris.
Année de publication : 2013

Je participe le 29 mars 2013 à une table-ronde sur la Solitude de Kleist, aux côtés d’Eloi Recoing, Béatrice Gonzales-Vangell, Anne Françoise Benhamou, Maëlle Dequiedt. A l’occasion de la création au Théâtre aux Mains Nues de “Käthchen, mon amour”, dans une mise en scène d’Eloi Recoing, d’après l’œuvre de Heinrich Von Kleist, les rencontres Non-lieux de l’exil interrogent par le prisme de Kleist cette relation entre le théâtre et l’exil.

Médiathèque Marguerite Duras, Paris.

Programme

Table ronde n°1 La scène comme exil

13h45 Accueil des participants

14h Introduction/présentation

14h15 Première table ronde
Coordination : Eloi Recoing
Intervenants : Alexis Nuselovici (Nouss), André Markowicz, Wajdi Mouawad, Sedef Ecer, Marie Lelardoux

15h15 Discussion

15h45 Pause café

Table ronde n°2 Solitude de Kleist

16h15 Introduction/présentation

16h30 Seconde table ronde
Coordination : Alexis Nuselovici (Nouss)
Intervenants : Eloi Recoing,Béatrice Gonzales-Vangell, Anne Françoise Benhamou, Flore Garcin-Marrou, Maëlle Dequiedt.

17h30 Echange final

18h Clôture de la journée

20h : Représentation de Käthchen, mon amour 
adaptation d’après La petite Catherine de Heilbronn de Kleist
Mise en scène : Eloi Recoing
Marionnettes et théâtre d’acteurs, tout public dès 10 ans.

Artaud et Deleuze : un désamour commun pour le théâtre ?

Artaud et Deleuze : un désamour commun pour le théâtre ?

Article de revue
Cahiers Antonin Artaud, n° 1, Alain Jugnon dir., éd. Les Cahiers, p. 126-136.
Année de publication : 2013

Antonin Artaud et Gilles Deleuze ont entretenu une relation paradoxale avec le théâtre. Décrié pour une raison principale – celle d’être attaché à la représentation mimétique –, le théâtre est pourtant indissociable de leur pensée en tant que lieu d’expérimentation et de mise en oeuvre de concepts tels que la cruauté, la vie, le jugement… Pour les deux hommes, le théâtre est nécessaire autant qu’il doit être déconstruit et réinventé.

Socrates, introduction à la traduction anglaise de la pièce inédite Socrate de Félix Guattari

Socrates, introduction à la traduction anglaise de la pièce inédite Socrate de Félix Guattari

Article de revue
Revue Deleuze Studies, Edinburgh University Press, p. 170-186.
Année de publication : 2012

Gilles Deleuze and Félix Guattari are not known for having a deep, enduring interest in theatre. Deleuze explained in L’Abécédaire his disinterest in theatre with force and clarity: “Theatre is too long, and too disciplined”; it is “an art that remains entrenched in the present and in daily issues, while never advancing beyond the dimensions of the present [1].” While showing admiration for the directors Bob Wilson and Carmelo Bene, he nonetheless expressed regret unambiguously: “I cannot sit in an uncomfortable armchair for hours anymore. That alone destroys theatre for me.” While Deleuze took theatre on new lines of flight and pushed it on the verge of pure abstraction, Guattari explored the links between theatre and television, theatre and cinema, and theatre and music. He intimately hoped to become a man of letters or a man of theatre and he wrote six plays for the stage between 1980 and 1990: The Case of the Lancel Handbag (L’Affaire du sac de chez Lancel), Psyche Ghost Town (Psyche ville morte), The Moon Master (Le Maître de lune), Socrates (Socrate), Aimed at the black man, killed the white one (Visa le noir, tua le blanc), Nighttime, the End of Possibilities (La Nuit, la fin des moyens). All these plays are unpublished in France.

[1] Deleuze Gilles, L’Abécédaire (with Claire Parnet), [1988], Paris, Montparnasse editions, 2004.

Revue Chimères, n° 77, Chaosmose, penser avec Félix Guattari

Portrait de Félix Guattari en auteur dramatique

Article de revue
Revue Chimères, n° 77, Chaosmose, éd. Erès, p. 137-148.
Année de publication : 2012

Félix Guattari a été tout à la fois romancier, poète, auteur dramatique, scénariste. Depuis sa mort, cet aspect de sa pensée a été relativement passé sous silence. Pourtant lorsque son formidable récit autobiographique intitulé Ritournelles est publié aux éditions Lume en 2007 grâce à Jean-Baptiste Thierrée, il apparaît que Félix Guattari a voulu se forger pendant de longues années un style poétique, surréaliste et donner vie à une prose branchée sur son propre stream of consciousness dans la lignée des poètes de la Beat Generation.

Aujourd’hui, il faut aller plonger dans les archives du fonds Félix Guattari, s’installer studieusement dans la nef de l’abbaye d’Ardenne de l’Institut Mémoire des Editions Contemporaines à Caen, pour découvrir, entre autres, le recueil de poésie Crac en plan, pas un pli, de multiples versions du scénario Un Amour d’UIQ et douze pièces de théâtre, composées entre 1979 et 1990, qui restent à ce jour inédites. L’Affaire du sac de chez Lancel (1979), Le Maître de lune, Psyché Ville Morte, Socrate, Visa le noir tua le blanc (1985-1986) et La Nuit, la fin des moyens (1990) sont les six pièces les plus abouties. Elles circuleront du vivant de Félix Guattari entre les mains de ses amis artistes : il y a aura une suite pour deux d’entre elles. Socrate, dans une version remaniée par Enzo Cormann, donnera lieu à une conférence-spectacle à Théâtre Ouvert à Paris le 18 janvier 1988. La Nuit, la fin des moyens sera lue au Festival d’Avignon en 1990. Mais il existe aussi des dialogues moins aboutis et non datés (Dialogue théâtral entre Toc, Tric et Mistrac, Dialogue théâtral entre Elodie, Robinson et Arsinoé, Dialogue entre Thérèse et Ugo), des pièces d’inspiration beckettienne Ding, Les Cubes, ainsi qu’une réécriture dadaïste d’un dialogue philosophique Parménide.

Pour quelles raisons Félix Guattari s’est-il autant investi dans l’écriture dramatique ? A quels types de théâtre fait-il référence dans son écriture ? Félix Guattari écrit-il, comme Jean-Paul Sartre, un théâtre à thèse développant sur scène les problématiques questionnées au sein de son œuvre théorique ? Non, son théâtre prend le contre-pied absolu de cet horizon d’attente car ce théâtre comique, potache et d’inspiration dada témoigne d’une posture existentielle que l’auteur n’a pas cessé de revendiquer : celle de ne jamais être là où on l’attend, de ne jamais habiter le centre des choses et d’explorer plutôt les périphéries, les marges et les refoulés.

Le discours mystique dans la littérature et les arts de la fin du XIXe s. à nos jours

Le théâtre, creuset de l’Image spirituelle, de Maeterlinck à Beckett

Chapitre de livre
Le discours mystique dans la littérature et les arts de la fin du XIXe s. à nos jours, Lydie Parisse dir., coll. « Rencontres », série Etudes dix-neuvièmistes, n° 31, Paris, Classiques Garnier, p. 141-154.
Année de publication : 2012

Dans La Poétique d’Aristote, le théâtre est vu comme un drama, c’est-à-dire un « composé d’actions » formant une intrigue qui suit un principe de progression tel que le spectateur se trouve conduit d’un point a à un point b. Mais chacun sait que le théâtre peut être « a-dramatique » ; il peut délibérément choisir de ne pas représenter des actions fonctionnelles servant un récit, mais plutôt des images affectives reliées entre elles par des variations, que l’on peut désigner comme des « images-mouvements ». C’est ce type de théâtre que l’on peut identifier dans la production théâtrale de Maurice Maeterlinck, Samuel Beckett, mais aussi de William Butler Yeats : trois auteurs qui nous serviront ici à démontrer l’existence d’un théâtre considéré comme un « creuset de l’image spirituelle ». En quoi consiste l’analogie entre la scène de théâtre et un creuset, un pot en matériau réfractaire ou en métal qui sert à la fusion d’alliages ? Antonin Artaud, dans son article sur le « Théâtre alchimique », considère la scène de théâtre comme un siège de la transmutation du plomb en or, de la transfiguration du quotidien en une cruauté sublime. Ce creuset serait le lieu de surgissement d’une image particulière, une « image spirituelle » qui se distingue d’une image mimétique soumise à l’exigence naturaliste de représentation fidèle du réel. L’image spirituelle n’est pas une copie de la nature, mais tient plutôt d’une vision intérieure. En somme, l’image mimétique est la vision de ce qui se donne à voir, alors que l’image spirituelle, la vision de ce qui se dérobe au regard.

Le théâtre de Félix Guattari en position d’irrespect face à sa philosophie ?

Le théâtre de Félix Guattari en position d’irrespect face à sa philosophie ?

Article de revue
L’irrespect, entre idéalisme et nihilisme, revue Littératures, Paris, Armand Colin, 2011, n° 65, p. 77-92.
Année de publication : 2012

Refusant d’être sous la coupe d’une forme unique, le philosophe a été traversé par des pulsions polygraphes : on compte parmi ses écrits des scénarios de films, des pièces de théâtre, de la poésie, un roman autobiographique. En 1968, le temps est à la révolution, aux changements. Il n’est pas question de faire état de bigoterie, de suivre une doxa, d’être un dévot soumis aux monstres sacrés de la philosophie. Il ne fait plus bon de révérer les anciens : il faut renverser le platonisme comme on prend d’assaut le théâtre de l’Odéon. Il n’est plus recommandé de faire de l’histoire de la philosophie, ni d’étudier les philosophies de l’Histoire et les philosophies systématiques qui tendent à expliquer la réalité par des visions globales et unitaires…

Après les événements de Mai 68, il faut bâtir une philosophie de l’événement, en rupture avec le temps passé. Une philosophie inactuelle, intempestive, telle qu’en parle Nietzsche dans ses Considérations inactuelles [1], irrespectueuse des philosophies de référence. C’est une croisade contre la suprématie de l’Un et des visions totalisantes, en faveur de l’intempestif, du multiple, de l’hétérogène, de ce qui peut surgir instantanément, sans relation de cause à effet et qui tient sa réalité du seul fait qu’il se manifeste. Il s’agit de faire de la philosophie autrement, et particulièrement de la pratiquer comme un artiste pratique son art : « Philosopher, c’est créer des concepts » [2]. La philosophie doit innover en s’inspirant du potentiel créateur des artistes. Deleuze écrit principalement sur la peinture, le cinéma, la musique. Guattari, lui, s’improvise auteur dramatique et écrit six pièces de théâtre, entre 1979 et 1990, inédites à ce jour. Soit on considère ces textes singuliers comme de la mauvaise littérature indigne d’être commentée, soit on les envisage comme des poils à gratter littéraires, des épines dans le pied philosophique, des piqûres de moustique qui troublent le sommeil du sérieux philosophique. Ces pièces de théâtre comiques, absurdes, provocatrices, sont-elles irrespectueuses de la réflexion philosophique ?

[1] Se reporter à la Première considération inactuelle (« David Strauss, sectateur et écrivain ») de 1873 et à la Seconde considération inactuelle (« De l’utilité et des inconvénients de l’histoire pour la vie ») écrite en 1874, in Nietzsche, Considérations inactuelles I et II, trad. Pierre Rusch, Paris, Folio, Gallimard, 1990. Il doit être noté que Geneviève Bianquis traduit le titre original Unzeitgemässe Betrachtungen, par « Considérations intempestives ».

[2] Gilles Deleuze, Félix Guattari, Qu’est-ce que la philosophie ?, Paris, Éditions de Minuit, 1991.

Revue Chimères, n° 77, Chaosmose, penser avec Félix Guattari

Félix Guattari : dramaturge chaosmique et J’ai toujours rêvé d’être un homme de spectacle

Article de revue
Revue Chimères, n° 77, Chaosmose, penser avec Félix Guattari, éd. Erès, p. 149-158 ; 159-174.
Année de publication : 2012

Entretiens avec Enzo Cormann et Jean-Baptiste Thierrée.

Autant j’aime le théâtre, autant je suis pour cette raison son ennemi (Gilles Deleuze et sa relation disjonctive au théâtre)

Autant j’aime le théâtre, autant je suis pour cette raison son ennemi (Gilles Deleuze et sa relation disjonctive au théâtre)

Conférence
colloque « Images et fonctions du théâtre dans la philosophie française contemporaine, ENS-Ulm. 24/11.
Année de publication : 2012
Revue Trahir

Gilles Deleuze, Félix Guattari and Theatre. Or, Philosophy and its "other"

Article de revue
Revue Trahir, Univ. de Montréal, René Lemieux dir. Périodique électronique, article en langue anglaise.
Année de publication : 2011

Many critical works have already established links between Deleuze’s philosophy and art. Art became the “Other” of philosophy, using affects and percepts to understand intellectual questions. Gilles Deleuze’s thoughts about painting, cinema, literature and music had been moving towards the creation of new concepts, as well as investigations of other regions beyond the philosophic field and towards the construction of a logic of multiplicities. But, in these critical works, theatre was always curiously absent. Gilles Deleuze had already explained in L’Abécédaire with force and clarity his disinterest in theatre: “Theatre is too long, and too disciplined,” it is “an art that remains entrenched in the present and in daily issues, while never advancing beyond dimensions of the present.” While showing admiration for the directors Bob Wilson and Carmelo Bene, he nonetheless expressed regrets unambiguously: “To stay four hours sitting in an unconfortable armchair, I cannot do this anymore. That alone destroys theatre for me.” Nevertheless, when we read Deleuze, theatre is everywhere present. Let us present a few examples.

André de Lorde et Alfred Binet : quand le théâtre du Grand-Guignol passionne les scientifiques

André de Lorde et Alfred Binet : quand le théâtre du Grand-Guignol passionne les scientifiques

Article de revue
Revue Recherches & Éducations, Centenaire Alfred Binet, p. 193-204. Bernard Andrieu dir.
Année de publication : 2011

En 1897, le théâtre du Grand-Guignol ouvre ses portes au fond de l’impasse Chaptal, dans le IXe arrondissement à Paris. Les bourgeois qui, célibataires d’un soir, viennent s’encanailler avec les filles de Pigalle et les dames de la haute en mal de sensations fortes pénètrent dans cette ruelle sombre et s’entassent dans une petite salle surchauffée pour crier au scandale et se pâmer de peur, voir du sang gicler sur les premiers rangs… Sur la scène minuscule, des corps disloqués, des membres arrachés, des fous évadés de l’asile et des hystériques sanguinaires jouent avec les nerfs du public fasciné et dégoûté tout à la fois par ce spectacle d’horreur. André de Lorde (1869-1942), un des plus grands écrivains de ce genre théâtral et théoricien du genre, aime écrire des pièces sur les thèmes de la folie, de la médecine et exploite l’idée largement répandue à cette époque que les médecins que l’on croit sains d’esprit sont peut être aussi fous que leurs patients et que les hystériques ne sont peut être pas aussi folles qu’elles puissent paraître. C’est dans ces rapports floutés entre la réalité et la folie, le théâtre et la science qu’émerge une dramaturgie qui aime représenter des fous, des hétéroclites, des excentriques, des irréguliers dans des cliniques psychiatriques, des mourroirs ou sur des tables d’opération… Cette rencontre entre le théâtre et la médecine, sous l’égide de la folie, va s’incarner dans la rencontre entre André de Lorde (fils de médecin, sûrement décidé à régler ses comptes avec la Faculté) et Alfred Binet, un habitué discret du théâtre du Grand-Guignol.

L’influence du théâtre japonais sur la pensée et le théâtre de Félix Guattari

L’influence du théâtre japonais sur la pensée et le théâtre de Félix Guattari

Article de revue
Revue Coulisses, n° 41, Presses Univ. de Franche-Comté, p. 41-52.
Année de publication : 2010

De quelle manière l’influence de l’Extrême-Orient et en particulier du Japon intervient-elle dans l’écriture de Félix Guattari ? Différentes formes de théâtre japonais ponctuent l’imaginaire du philosophe et participent activement à son univers de référence. La présence strictement citationnelle ou plus appuyée du kabuki, du bunraku et surtout de la danse des ténèbres, le butô, dans la réflexion et la dramaturgie du philosophe montre que sa pensée, puis son théâtre ont subi de façon effective l’influence du théâtre japonais. Qu’est-ce que Félix Guattari est allé chercher vers l’Orient, et surtout, qu’y a-t-il trouvé ?

Carmelo Bene, le théâtreux qui utilisait le cinéma comme une guillotine

Découvrez Carmelo Bene, le théâtreux qui utilisait le cinéma comme une guillotine

Article de presse
Année de publication : 2009

Depuis le 20 mars se tient le festival Théâtres au cinéma, consacré à l’œuvre des réalisateurs Marco Bellocchio et du plus rare Carmelo Bene. Un pari audacieux pour le Magic Cinéma, coincé entre le McDo et le parking du Centre commercial de Bobigny 2 (93). Doctorante au Centre de recherche sur l’histoire du théâtre (Paris IV, Sorbonne), Flore Garcin-Marrou a passé le week-end là-bas et nous livre son avis d’experte sur Carmelo Bene.